C'est la centième ! ! !
Ma mijorée sucrée me lâche : me voilà face à mon écran, seul témoin de mes envolées démentes dans les contrées du lyrisme grotesque. Je repense à ma journée, rien de bien passionnant à retenir ; l'idée de cette défenestration magistrale où je m'élancerais du cinquième étage de l'U.R.S.S.A.F bondissant sur les véhicules aux propriétaires hératiques pour finir empalée sur l'antenne régionale de France 3 paraît à nouveau séduisante. À quoi bon m'obstiner et perdre tant de journées précieuses de ma – c'est décidé – courte vie pour gagner quelques ronds de plaisir matériel. Emploi temporaire dans une administration – il y a pire – où les salariés ne sont certes pas méchants, mais furieusement hypocrites. Notre principal point commun. On n'aime pas trop voir ce genre de reflet dans la gueule de nos aînés. D'autant plus lorsque dès la trentaine CDI en poche ils oublient d'éviter TF1, ne racontent plus rien d'autre que leurs vies aussi palpitantes qu'un épisode de Derrick doublé en tchèque, ne partagent plus rien. Les enfants et/ou animaux et/ou maris/épouses/pacs/concubins deviennent leurs uniques et redondants sujets de débat. Ceci ajouté à « moi je ne vais plus à Atlantis depuis que Sophie G. y a été tuée », alors qu'en allant remplir leurs placards dans d'autres grandes surfaces ils pourraient tomber sur un fanatique des dérapages en parkings souterrains qui les percuteraient, les tuant sur le coup, leur donnant en prime l'air con avec un chariot en travers de l'abdomen. J'espère qu'ils auront pensé à mettre des sous-vêtements potables : que les secouristes ne s'en offusquent/moquent pas au moment de découper les vêtements pour retirer l'engin recouvert de la crème chocolatée protéinée minceur qui aurait éclaté lors du choc. Ces individus qui aiment Le Roi Soleil et Indohcine, Michel Sardou et queen, et ne voient pas où est le problème, l'incohérence. La moindre discussion entamée sur un thème capable de m'éviter les baillements successifs jusqu'au sommeil paradoxal est rapidement rompue par une incapacité à émettre des arguments pour défendre une opinion quelle qu'elle soit. « Moi je pense ça, et pis c'est tout ». Mon exaspération augmente à mesure que le travail qui m'est confié diminue (un service courrier où peu de courrier rentre est fatalement au chômage technique après un laps de temps relativement court). Moi et ma légendaire propension à m'ennuyer errons dans le bureau à la recherche d'une occupation. La seule qui m'ait tenu en éveil assez longtemps pour ne pas sombrer dans un coma irréversible est l'observation attentive de mes congénaires. Une sorte d'étude sociologique de quarantenaires frustrés dans tous les aspects de leur vie, en direct du terrain travail. Les utérus en pamoison lorsque le menuisier célibataire, motard et conforme aux canons de beauté esthétique de leur époque fait irruption dans le bureau pour discuter le bout de gras d'untel pendant une demi-heure payée par l'employeur. Leurs rires de diva aux abois qui résonnent. La voix mi-poule mi-crécelle de la chef de service qui en permanence bêle de vieux airs nostalgiiiiiques – pas des meilleurs – à m'en faire cogiter homicide volontaire au coupe-papier et à l'agrapheuse. Demain j'y retourne.
c'est le centième article de ce blog,
merci aux fidèles de cette secte plumitive et aux nomades de passage