°° Variations sur le thème de l'ennui
Variations
sur le thème de l'ennui
(productions
indépendantes)
Et la revoilà avec ses grands
airs. Parée de ses atours de toujours, la mélancolie vient à moi. Je la sens
s'insinuer, mais reste là, impuissante. Elle use chaque fois des mêmes ruses,
et pourtant je ne l'évite. Elle sait y faire la garce : je suis vide sans elle,
bouffée de regrets avec. La douleur, hypocrite, est sa moitié. Elles
s'attaquent à moi, s'y mettent à deux. La mellon collie me paralyse,
puis laisse le doux leurre équipé de ses lames me lacérer le vital. Une
stratégie maintes fois éprouvée. Elles n'ont pour le moment jamais achevé leur
tâche. L'espoir et l'instinct de survie, leurs ennemis, ont toujours fini par
les repousser. Mais qui me dit qu'il en sera de même cette fois-ci ? Après tant
d'années, la question de l'internement, d'un suivi, se poserait presque sur mon
épaule. Les diarrhées bien placées n'ont jamais su que repousser les assauts,
signer des armistices jusqu'à la prochaine offensive.
Elle se fait d'abord passer pour
un doux frisson sans température, puis se diffuse pianissimo dans les
courants bientôt hémiplégiques des sens, des idées. Elle ouvre la Pandore du
questionnement vain, du fantasme impossible à assouvir, de l'étau qui se
resserre toujours plus mais jamais ne met fin au calvaire.
Je me sens glisser vers toi, et
m'y complais lâchement. Ah ! Mon ennui, nous sommes proches, depuis si
longtemps. Ma machine à créer du mot, à encrer ce qui m'ancre au monde, le
fixer en mon dehors. Ce n'est pas une question de volonté, mais d'abandon.
Lâcher prise, se laisser tomber, ne pas résister à ton attraction. Se détacher
et puis se rendre compte. Envie de gésir. Ne plus les comprendre, ne plus rien
distinguer que leur piaillements inutiles, incessants. Devenir folle de les
voir si suffisants, centrés sur eux. Devenir folle, surtout, de se retrouver en
eux. Profiter du silence répit. Être de nouveau dépitée.
Je revois mes plaies. Leurs
traces sont toujours visibles, l'érosion ennui ne les a pas éprouvées. Ces
marques-là, il les entretient plutôt. Il tente de me ramener à la conscience,
de graver à vif des sillons baroques dans ce que cette vie a trop poli. Une
opération sans anesthésie, supposant réaction.
Aujourd'hui le temps de chien colle à ma chienne d'humeur. Il pleut comme je pleure : peu mais acide. Il pleure dans mon coeur, comme il pleut sur la ville, quelle est cette langueur qui pénètre mon coeur...
phrase en italique sortie du cortex bien aimable d'un certain Verlaine...