°° Une nuit
Le
bordel régnait. C'était le dieu capharnaüm qu'elle
priait chaque soir. Je me suis laissé charmé par le
parfum de sa peau, le noir sous ses yeux, l'eau limpide qui
s'en échappait. Je lui ai offert mon épaule. Je n'ai
pas profité de sa faiblesse, je l'ai simplement abritée
sous ma gorge, le temps qu'elle se ressaisisse. Dorénavant
seule la raison me guidera, la leçon a été cinglante.
C'est
elle qui, le lendemain, souhaita me remercier. Elle m'invita à
dîner. Chez moi. Elle me banda les yeux, me baillônna, et
prit les choses en main. Un jeu qui m'excitait. Bien sûr,
j'étais mal à l'aise : être ainsi pris en otage
par cette nymphe délavée, elle qui la veille encore
inondait mes draps d'un véritable torrent lacrymal. Mais ses
mains étaient si douces, je ne pouvais que lui faire
confiance. Elle semblait si fragile. Les sons, les effluves depuis la salle de bains et la cuisine étaient de
bonne augure. Je fatiguai vite de ma nuit blanche et m'endormis. Des
fantasmes vivaient fort derrière mes paupières closes.
J'ignore combien de temps s'écoula. C'est du miel chaud sur
mon torse qui m'éveilla. Elle m'avait ôté ma
chemise et s'appliquait à répartir le liquide brûlant
sur ma poitrine. Je tressaillis mais n'osai pas lui dire stop. Car
elle m'avait lié les mains, qui sait les tourments bien
moins agréables qu'elle aurait pu m'infliger. Et puis, cette
odeur sucrée me plaisait assez. Elle chuchota à mon
oreille, ferme, sensuelle : n'aie pas peur, je veux seulement te
donner un merci que tu n'oublieras pas. Elle mit fin à ma
cécité. Vision enchanteresse. À califourchon sur
moi, une beauté presque insoutenable. J'en suffoquai. Elle me
sussura tout irait bien, elle prendrait soin de moi. En plus
du miel, fraises et sucre en poudre.
Elle en garnit les draps déjà en bataille. Comme son esprit.
Elle était dérangée. C'était
le vrac intégral dans sa caboche. Tout y était aussi
emmêlé que ses cheveux. Cependant, peut-être lui
dois-je le fait d'avoir vécu. Une nuit.